Du chaos Indien au calme Lao

Abandonner l'Inde n'a pas été chose facile. Déjà parce que cinq semaines à sillonner les états du sud ont laissé des souvenirs impérissables et une pointe de nostalgie à l'heure de quitter le pays. Mais aussi parce que l'immensité de l'Inde donne le sentiment frustrant qu'une année serait nécessaire pour véritablement envisager sa richesse et sa diversité. Notre périple indien s'achève sur les bords de mer du Tamil Nadu, là où il avait commencé, dans le petit village de pêcheur de Mahabalipuram. L'occasion de se remémorer le trajet parcouru, des temples remplis d'histoires du Tamil Nadu aux plantations de thé du Karnataka, sans oublier les très belles rencontres faites pour l'association. Mais la nostalgie provoquée par le départ est très vite remplacée par l'excitation des premiers pas en Asie du Sud Est, un tout autre visage du continent Asiatique. Après une escale à Bangkok et un bref passage par Hanoi, nous prenons la route du Laos très rapidement.



Et si nous nous étonnions des temps de trajet parfois trop longs en Inde, nous réalisons très vite qu'ils étaient une partie de plaisir comparés à ceux au Laos. Le pays étant très majoritairement montagneux, les routes sinueuses sont pour la plupart en construction ou terreuses, laissant échapper au passage des bus d'impressionnantes vagues de poussière et donnant une couleur ocre à la végétation bordant la route. L'apparition de routes goudronnées, tout du moins de portions, est par ailleurs très récente et due à la présence de plus en plus forte d'entreprises chinoises dans tous les secteurs du pays. En bus, il faut donc compter une heure pour une trentaine de kilomètres maximum. Le second moyen de transport répandu consiste à emprunter la rivière par bateau. Les trajets y sont souvent plus rapides et permettent de passer au coeur des villages de pêcheurs tout en appréciant les montagnes bordant le fleuve. Nous nous sommes laissé tenter par l'expérience, cinq heures à bord d'une pirogue à moteur, long bateau extrêmement rapide piloté par un véritable expert devant éviter sans cesse les blocs rocheux, les zones peu profondes et les forts courants. En bus ou en bateau, le transport est aussi l'occasion pour les locaux de faire du commerce à chaque arrêt : les pêcheurs vendent leurs prises du jour aux bateaux de passage, les agriculteurs tapissent l'allée centrale du bus avec d'imposants sacs de riz (obligeant parfois à d'ingénieuses contorsions pour rejoindre sa place) et les chauffeurs de bus couplent souvent leur activité avec l'achat et la revente de produits et animaux glanés au fil du trajet.

Nous considérions ces moyens de multiplier les revenus comme un système de débrouille cocasse mais ils sont en réalité au coeur du fonctionnement de la population Lao. Les métiers, a fortiori en campagne, sont très largement concentrés autour de l'agriculture et du bâtiment mais servent avant tout le village ou la région. Ceci explique que le troc et l'entraide y soient bien plus développés : on ne travaille, ni ne vit pas pour son pays, on le fait avant tout pour son village et sa famille. Nous avons eu l'occasion de partir en trek dans les jungles du nord du pays et de passer une nuit en compagnie d'une tribu Haka. Nous avons pu constater que la solidarité était un élément majeur de la vie du village : une maison menace de s'écrouler et c'est toute la communauté qui se regroupe pour la détruire et la reconstruire dans les plus brefs délais. Chacun à son poste, les jeunes détruisent la maison, les femmes nettoient le terrain, les forgerons apportent le matériel nécessaire et les charpentiers reconstruisent. L'argent n'existe donc que pour les produits de consommation extérieurs au village, de plus en plus importés par les Chinois et menaçant un système autonome et paisible.

Mais l'écosystème des petits villages Laos reste pour le moment relativement préservé et nous avons pu largement profiter d'une immersion au sein d'une tribu, loin des pièges touristiques fréquents imposant à des hommes et femmes de s'habiller en costumes traditionnels pour paraître plus authentiques aux yeux des occidentaux de passage. Nous avons donc profité de copieux repas préparés par les villageois avec des produits de leur culture, du riz gluant aux légumes en tous genres, sans oublier de nombreuses mixtures épicées parfois douteuses. Quant aux porcs, canards, poulets et même chiens, ils se promènent en liberté dans le village et mènent une vie paisible sans se douter qu'ils sont les repas de demain.



La vie au sein d'un village Lao est donc à l'extrême opposée de celle menée en Inde, le chaos Indien ayant laissé sa place au calme Lao. Les paysages aussi ont changé du tout au tout. Le nord du pays est très montagneux et se prête parfaitement à des excursions en tous genres. Alternant montagnes, jungles et forêts très denses, les traces de civilisation se limitent parfois à quelques arrêts « restauration » lors d'un trajet en bus. Ceci explique peut être la réserve ou la timidité des populations à notre passage, contrastant avec les hordes d'indiens venant parfois à notre rencontre pour une photo ou une main serrée. Au Laos, les enfants des villages courent souvent se réfugier dans les bras de leurs mères lorsque nous nous approchons et dans le pire des cas, fondent en larmes. Mais qu'à cela ne tienne, nous usons alors de notre plus grand charme pour les rassurer. Il existe en revanche une heure de la journée où la population toute entière perd sa timidité : l'heure du karaoké. Et à l'image de leurs proches voisins Japonais, il existe dans tout village reculé du Laos un lieu de karaoké, bondé chaque soir de semaine et offrant à nos oreilles néophytes un bruit assourdissant jusqu'à minuit.

Le principal attrait touristique du Laos reste sa nature et ses habitants savent la respecter (à quelques exceptions) et la mettre en valeur, à notre plus grand bonheur. Baignades dans les somptueuses cascades d'eau de Luang Prabang, descentes du Mékong en bouée ou en Kayak, exploration des nombreuses grottes de Van Vieng et traversées des forêts denses et hostiles du nord du pays ont rythmées nos journées pendant plusieurs semaines. Il reste à espérer que cette richesse saura être préservée face à la pression constante des entrepreneurs chinois venus conquérir le Laos et en faire un nouveau terrain de jeu au détriment du respect de ses habitants et de ses paysages. Dans les villes où les chinois sont fortement implantés (Luang Prabang ou Vientiane par exemple) nous avons pu constaté qu'il existait déjà une animosité envers ces derniers, reprenant tous les commerces que la population Lao ne peut plus gérer par manque d'argent et créant un lien de dépendance et de subordination des plus dérangeants.



En prenant la seule perspective du touriste, il ne semble pas que le Laos soit l'un des pays les plus pauvres du monde (et c'est le cas). C'est au cours de notre travail pour l'association que nous avons pu réellement comprendre ce qui faisait la pauvreté du pays : son manque d'infrastructures. De passage à Luang Prabang, ville magnifique classée au patrimoine mondial de l'humanité à l'UNESCO, nous avons eu la chance de rencontrer Alphonse Pluquaillec, fondateur de l'association Santé France Laos. Il oeuvre depuis quinze ans maintenant pour améliorer les conditions de la médecine dans le pays en insistant sur la nécessité de former des médecins compétents. En parrainage avec Mécénat Chirurgie Cardiaque, son association a également permis de faire opérer plus de 170 enfants atteints de malformations cardiaques en France. Le travail de Valérie Caralp à Vientiane est dans la même lignée, permettant aux enfants opérés par Mécénat de poursuivre leurs études dans leurs pays grâce à des aides de familles françaises.

A ce jour, aucun hôpital Lao n'est à même d'effectuer une opération chirurgicale et les détections les plus basiques sont souvent rendues impossibles par l'absence ou l'incompétence des médecins. Bien des habitants meurent donc à cause d'un mauvais diagnostic ou tout simplement car ils ne savent pas vers qui se tourner. Ces constats inquiétants peuvent être étendus, dans une moindre mesure, à d'autres domaines tels que celui de l'éducation. C'est là la réelle pauvreté du pays mais celle-ci n'est visible qu'en discutant avec les populations locales. Assez paradoxalement, la pauvreté n'est pas marquante objectivement, la mendicité très peu répandue, les villages pour la plupart auto suffisants et ses habitants heureux. A quelques jours de quitter le pays, l'expérience Lao aura été complète. Elle aura aussi permis un véritable contraste avec l'Inde et une autre vision du continent asiatique. L'aventure continue à présent en direction de Paksé, au sud du pays et en direction du Cambodge.

 Article added on 2013-01-28 11:31:40




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