Interview de Martine Blanloeil - Coordinatrice des parrainages d'enfants, des bénévoles et familles d'accueil

Arrivés au Laos il y a maintenant cinq jours, nous profitons de cette occasion pour publier l'interview de Martine Blanloeil que nous avions rencontré peu de temps avant notre départ. Martine et son mari sont tous deux responsables des parrainages des enfants opérés au Laos mais aussi du groupe de bénévoles qui donnent de leur temps au profit de Mécénat Chirurgie Cardiaque. Nous avons pu parler avec Martine de l'importance du parrainage pour les enfants opérés mais aussi de la difficulté de mettre en place un tel système en grande partie basé sur la confiance des référents sur place.



Comment avez-vous été amenée à travailler pour Mécénat ?

Nos premiers contacts avec MCC datent de 2004 où nous sommes devenus famille d'accueil tout simplement. Nous en avions entendu parler en 1997 lorsque le professeur Leca a fondé son association. Mécénat cherchait des financements et mon mari et moi étions au "Lions Club" qui a décidé de faire un premier don. Quelque temps après, lors d'un congrès de ce club, un membre de Mécénat est venu présenter l'association et le rôle des familles d'accueil. Nous sommes donc devenus famille d'accueil, puis lorsque Mécénat a grandi, une section bénévole s'est créée et nous avons débuté nos premières missions pour l'association. Plus récemment, la coordinatrice des bénévoles a quitté MCC et Mme Leca m'a proposé de reprendre le poste. Nous sommes maintenant 238 bénévoles de tous âges et c'est une force pour nous.


D'où est venue la création du parrainage d'enfants et quels en étaient les enjeux ?

En 2008, Jean-François Bentz et Jean-François Mousseau ont fait un second voyage au Laos et ils ont réalisé un documentaire appelé « Seconde Naissance ». Ils sont revenus en nous informant que les enfants opérés n'allaient pas à l'école et qu'il ne fallait pas les laisser tomber, au risque qu'ils n'aient d'autre avenir que de travailler dans les rizières. Ils doivent pouvoir apprendre à lire, écrire et compter. De là est née la réflexion sur le parrainage et cela a rapidement été mis en place. L'objectif étant de pouvoir suivre au mieux les enfants opérés et de faire en sorte qu'ils puissent aller à l'école en finançant leurs études. Aujourd'hui, ce parrainage est ouvert uniquement dans quatre pays et nous ne souhaitons surtout pas l'ouvrir dans des pays où nous n'aurons pas la certitude que l'argent sera bien redistribué à la scolarité des enfants. Au Laos, tout s'est organisé très facilement et nous avons déjà parrainé 27 enfants.


A quand date votre premier voyage au Laos ?

Notre premier voyage au Laos date de 2008 mais nous avons mis deux ans à trouver quelqu'un de fiable sur place pour gérer le parrainage. Tout est beaucoup plus solide depuis 2011. A Vientiane, nous avons deux correspondantes : Guilaine et Valérie. Guilaine habite au Laos depuis plus de vingt ans et Valérie y est depuis cinq ans mais parle déjà très bien la langue. De plus, elle a comme voisine une famille dont la petite est venue se faire opérer ici et qui l'aide beaucoup. Nous sommes allés six fois au Laos à ce jour.


Le parrainage semble très important pour ces enfants mais il y a également une notion de suivi qui est fondamentale ?

Oui, ce sont nos deux correspondantes sur place qui font ce travail. Nous souhaitons recevoir les notes des enfants deux fois par an car nous souhaitons que cela leur serve réellement à quelque chose. Aujourd'hui, il y en a qui ont de très beaux projets. Je me souviens d'une petite qui souhaitait être banquière pour être certaine d'avoir de l'argent. Une autre voulait être médecin ou infirmière. Ils ont tous des buts et objectifs, c'est ce qui nous motive. De plus, le fait que les enfants aillent à l'école tire toute la famille vers le haut. Comme nous payons la scolarité d'un enfant, cela soulage la famille financièrement et ça l'aide à évoluer plus positivement.


Quels sont les trois autres pays où le parrainage existe ?

Le Sénégal, le Mali et la Côté d'Ivoire. Pour le Mali c'est un peu compliqué en ce moment. En revanche au Sénégal, une personne très sérieuse gère cela malgré qu'elle n'ait pas de voiture pour se rendre chez les familles et en Côte d'Ivoire, deux femmes font également du bon travail. Nous rencontrons de grandes difficultés à Madagascar où nous n'arrivons pas à trouver quelqu'un de confiance alors que nous pourrions parrainer une trentaine d'enfants.


Quels sont les moments émouvants qui ont marqué votre engagement pour MCC ?

La première fois où nous sommes arrivés à l'aéroport de Vientiane, deux familles au grand complet nous attendaient avec des bouquets de fleurs et des cadeaux. Les mamans pleuraient d'émotion pensant que nous étions les personnes qui avaient opéré leurs enfants. C'était un très beau moment. Il y a aussi une autre histoire amusante. Nous avions accueilli une petite de quatre ans et demi, et trois jours avant qu'elle rentre dans sa famille, j'ai décidé qu'il fallait que je la remette dans le bain et l'appelle par son nom complet : Khamla Sagmani. Pendant que nous étions dans la voiture avec mon mari qui conduisait, je me suis retourné et lui ai dit « coucou Khamla Sagmani », elle m'a répondu « NON, moi Khamla Lanloeil » (ndlr : pour signifier le nom de famille de sa famille d'accueil, Blanloeil) ». Jamais nous ne lui avons fait croire quoi que ce soit, mais comme nous l'emmenions partout, et que nous nous faisons souvent appeler « les Blanloeils », elle a repris notre nom de famille comme s'il était le sien. Elle devait se sentir bien avec nous.


Est ce qu'il n'y a pas une gêne lorsque les familles se sentent trop redevables ?

C'est quelque chose que je ne supporte pas et ne souhaite pas. Je leur explique que nous n'y sommes pour rien du tout et que la chose la plus importante est qu'un jour, ils aient eu le courage de confier leur enfant à des inconnus à 10 000km. C'est eux qui ont eu le courage ! Il y a des moments où il faut convaincre la maman. La Syrie par exemple est un pays où il est difficile de convaincre les parents de laisser partir leur enfant.




Au Laos, y a t-il des problématiques culturelles ou religieuses qui peuvent rendre les opérations plus compliquées ?

Au Laos, ils sont Bouddhistes. A partir du moment où ils sont Bouddhistes, ils sont très larges d'esprit et respectueux de l'être humain quel qu'il soit. Cela change tout. C'est un état d'esprit, ce n'est pas une religion. Le respect est extrêmement important. Les familles sont rarement nombreuses, la polygamie n'existe pas. Les parents ont envie que les enfants aient une plus belle vie qu'eux. Je dirais que c'est un peu comme nos parents, ils ont cet état d'esprit. Leur culture et leur religion sont donc des atouts pour nous. Les relations en sont simplifiées.


Vous nous disiez qu'au Laos il y a peu de structure, est ce que vous avez senti une progression sur place ?

Tout évolue plutôt positivement, c'est un pays qui progresse. Les Chinois sont de plus en plus présents et construisent beaucoup. La première année où nous y sommes allés, les bords du Mékong étaient boueux et sales. Désormais, c'est un vrai bord de rive où l'on peut se balader. Nous voyons vraiment le progrès. Les japonais ont également créé un hôpital à Ventiane et les médecins viennent faire des stages en France.


Selon vous, comment va évoluer l'implication de MCC dans les pays où ils soignent des enfants ? Comment les aider à progresser ?

L'engagement, c'est de former les médecins car il y en a très peu et trouver de l'argent pour acheter le matériel nécessaire aux opérations. La problématique est la suivante : c'est une bonne chose de former des chirurgiens mais si on les renvoie chez eux et qu'ils n'ont pas les infrastructures et les outils nécessaires pour opérer, ils ne feront rien et le pays va continuer à stagner. Au Laos, il y a un groupe de Luxembourgeois qui a accès à une salle d'opération, ils viennent régulièrement pour des cessions de deux semaines afin d'opérer. Mais quand ils repartent, ils ferment la salle et personne n'y a accès. Le problème est de pouvoir faire confiance aux chirurgiens locaux et qu'il y ait de véritables équipes de médecins.


Il existe des associations qui opèrent sur place, qu'en pensez-vous ?

Le professeur Leca a une réflexion intelligente à ce sujet. Imaginez que nous partions opérer 15 jours, les premiers enfants opérés bénéficient d'un suivi convenable mais l'enfant qui se fait opérer le dernier jour ne peut pas être observé et suivi. La réanimation et l'après opération sont fondamentaux. En opérant en France, vous avez le contrôle sur tout et vous pouvez vous assurer que les choses seront faites de la meilleure des façons. Et puis il faut visiter les hôpitaux sur place, nous sommes très loin de ceux que nous avons en France.


Comment voyez-vous vos engagements dans quelques années pour MCC et quels sont vos futurs projets et ambitions pour la suite ?

Nous voulons développer le parrainage dans d'autres pays tels que le Cameroun, le Congo, le Burkina Faso. Nous sommes très prétentieux mais il le faut pour avancer. Au Congo, nous avons presque trouvé quelqu'un. Au Cameroun ça devrait pouvoir se faire car c'est un pays assez calme.




Nous avons du mal à comprendre la difficulté de trouver quelqu'un de confiance sur place : pourquoi cela prend-il autant de temps alors que la mission est si noble ?

Vous avez raison, c'est dur à croire. C'est souvent grâce à de belles rencontres que cela se fait mais il faut vraiment trouver une personne de confiance. Par exemple, nous sommes allés directement sur place, au Cameroun, pour payer l'école d'un petit enfant car le papa voulait absolument contrôler lui même l'argent. Il nous a donné toutes les excuses possibles pour gérer cet argent. Il nous a montré son abri pour dormir et fait comprendre qu'il n'avait pas payé le loyer depuis 4 mois. Ils ont tellement de problèmes d'argent qu'ils mentent constamment et cela nous gêne car nous savons qu'ils sont dans le manque. C'est frustrant, on a beaucoup de mal à faire confiance et entretenir de vraies relations.


Pouvez-vous nous expliquer quel est le travail du référent qui gère le parrainage dans son pays ? Quelles sont ses missions et existe-t-il différents niveaux de parrainages selon les besoins ?

Une fois le pays sélectionné, nous allons regarder tous les enfants que l'on a opérés autour de la capitale. Cela facilite les démarches dans un premier temps. Puis, nous choisissons tous les enfants qui ont moins de dix ans. On envoie ensuite au référent toutes les coordonnées des familles des enfants sélectionnés. Le référent doit alors aller voir ces familles et prendre rendez-vous pour étudier leurs conditions de vies. Les parents ont un questionnaire à remplir, un dossier à constituer et le référent nous envoie ensuite ce dossier tout en nous donnant son avis. Nous essayons, en fonction de la situation de la famille, d'adapter au mieux le parrainage. A chaque fois qu'on ouvre le parrainage à un pays, il y a deux personnes de MCC qui y vont pour rencontrer les familles et confirmer le travail d'enquête du référent. Pour vous donner un exemple au Laos, nous sommes arrivés un jour devant une maison avec un grand jardin et une belle voiture censée appartenir à une mère ayant constitué un dossier pour son enfant. Mais en approfondissant, nous nous sommes rendu compte que la maison appartenait à la soeur de la mère en question et que cette dernière était en réalité sa bonne. Le référent sur place a donc beaucoup de responsabilités.


Quels sont les frais de parrainage pour un enfant, sur quelle base sont-ils calculés et comment cela se passe quand l'enfant a une scolarité qui coûte plus cher ?

Un parrainage coûte 276 euros par an, et cela correspond au prix moyen d'une scolarité dans tous les pays parrainés. Pour calculer cela, je suis allée chercher sur internet plusieurs associations de parrainage et nous avons fixé un prix à un euro de moins que les autres. Cela correspond à 23 euros par mois. Francine Leca ne veut absolument pas que les enfants aillent dans des écoles Coraniques et elle exige qu'ils soient dans des écoles privées. Elles sont donc plus chères et parfois supérieures à 300 euros. Dans ce cas, on ne signale rien au parrain, il paie son forfait et on s'arrange pour payer le complément. Aujourd'hui nous parrainons soixante enfants, c'est très gérable et nous essayons de ne pas aller trop vite. Nous leur offrons un pied à l'étrier pour les lancer et les aider à trouver plus facilement du travail.


 Article added on 2013-01-17 08:20:18




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