Jour 5, le réveil sonne, il est 7 heures. Nous sommes dans l'Yonne. La tente et toutes nos affaires sont humides. J'ai mal dormi, il y avait une pierre au niveau de mon dos. Je fais mon sac comme je peux mais il y a des affaires dans tous les sens, je n'arrive pas à mettre la main sur ma brosse à dent : la journée commence bien. J'engloutis un petit déjeuner chocolat-baguette avec les autres puis j'harnache mon sac sur le vélo. La matinée est chaotique, beaucoup de montée dont une de 5 km à 12 %. A midi nous n'avons parcouru que 30 km. Après quelques courses et grâce à un relief plus plat, nous avalons 30 km supplémentaires, ce qui nous amène à 60 avant le déjeuner. Au menu, gratin dauphinois en conserve : pas forcément ragoutant mais l'important est de remplir l'estomac. Une petite sieste plus tard, nous remontons sur nos vélos et repartons à un rythme soutenu, je souffre. Après trente nouveaux kilomètres, nous cherchons un endroit au calme pour installer les tentes. Nous découvrons un étang sur la carte et le rejoignons. Charmant et isolé, il sera parfait pour ce soir. Nous défaisons nos sacs, nous nous changeons et attaquons une partie de pêche. La journée a été longue et épuisante, j'ai transpiré et aucune douche n'est possible avant encore quelques jours. Ma barbe me gratte. Nous préparons des raviolis et rejoignons notre lit vers 9 heures. Petite lecture et au lit, les montagnes du Jura annoncent une journée compliquée. Je jette un coup d'oeil à ma montre, il faudra se lever tôt demain pour en finir le plus vite possible et profiter de l'après-midi.
Jour 48, le réveil sonne, il est 8 heures. Nous sommes en Turquie. Cette nuit, nous l'avons passée au chaud dans une remise où sont installés plusieurs lits superposés. J'ai bien dormi malgré l'appel à la prière à 6 heures du matin juste au dessus de la fenêtre. Nous nous prélassons un certain temps avant de trouver le courage de nous lever et d'affronter cette nouvelle journée. Je me suis douché hier, je suis propre mais je ne devrais pas le rester longtemps. Il me faut une minute montre en main pour faire mon sac, chaque chose est à sa place, je ne perds plus rien. Je dévore quelques biscuits puis rejoins mes amis qui boivent un thé avec le maire du village, qui nous a chaleureusement accueillis cette nuit. Nous prenons une photo avec lui et le remercions pour son hospitalité. Le temps est clément, il fait frais mais beau. Nous montons sur nos vélos, je ferme la marche et écoute de la musique. Les paysages sont beaux mais gâchés par des ordures qui tapissent le sol. Nous parcourons 40 km avant d'arriver dans un village de pécheurs. Au menu, salade de tomates et pates au pesto Rosso dans le port face à la mer : le vélo n'empêche pas de préparer des plats appétissants. Nous reprenons la route et après 70 km parcourus sans difficulté, nous démarrons la recherche de notre abri de ce soir. Il fait nuit à présent et nos têtes barbues compliquent la tâche pour trouver refuge. Nous interpellons tous les passants dans la rue, nous frappons aux portes de chaque maison éclairée. Cela ne fonctionne pas vraiment, nous sommes un peu découragés. L'acharnement paie, je finis par convaincre une gentille gérante de supermarché qui nous propose une maisonnette au fond de son jardin. Ce sera parfait. Elle se démène pour nous y installer une ampoule et nous propose de passer la voir dans son magasin lorsque nous serons installés. Elle nous a préparé un repas local. Nous partageons une soirée avec elle, ses filles, son mari, des amis. Nous passons un très bon moment ensemble. Nous allons nous coucher tard, repus et ravis de cette nouvelle rencontre, de notre nouveau rythme de vie. Je jette un coup d'oeil à ma montre, il ne faudrait pas se lever trop tard, je suis sûr que la matinée réserve encore plein de belles surprises avec notre hôte et tant pis si nous ne reprenons la route que le midi.
Jour 83, le réveil sonne, il est 7 heures. Nous sommes dans le Kerala, en Inde. Je suis en pleine forme après trois jours de repos dans la ville balnéaire de Varkala. Je suis propre malgré l'aspect négligé que me donne ma barbe. Mais en plus de l'aspect négligé, je dois désormais sourire bêtement chaque fois qu'un étranger m'appelle Jésus. Nous avons rendez-vous avec Leona, Marc-Antoine et Stephy devant notre Guest House pour faire le voyage ensemble jusqu'à Allepey. Je refais mon sac : celui-ci a bien dû perdre 4 kg depuis le vélo et parait bien vide à présent. Nous prenons une photo avec notre hôte et la remercions. Nous attrapons un rickshaw qui nous dépose à la gare. Sur le quai nous rencontrons Stewart et Stephany, deux anglais qui décident de se joindre à nous. A notre arrivée à Allepey, deux françaises, Elsa et Pandora nous interpellent et finissent de compléter notre nouveau groupe, qui passera la nuit sur un bateau à traverser les backwaters. Nous déjeunons local dans un marché. Au menu, samossas, idlys et curry de poulet : chaque stand est l'occasion de découvrir de nouvelles saveurs. De nombreux indiens, tous souriants et sympathiques, viennent me parler et me demandent de prendre des photos avec eux. Après quelques négociations, nous embarquons sur notre bateau. Le cadre est magnifique ; des canots en tous genres flottant au milieu d'une végétation dense et de petits villages indiens. Nous sortons les cannes à pêche et assistons à un coucher de soleil superbe. Lors d'une escale pour acheter de la nourriture, nous constatons tristement une nouvelle fois combien l'endroit est sale. Remontés sur notre navire, nous préparons la soirée qui s'annonce festive. Le rythme de voyage a beaucoup changé et nous profitons à plein de toutes les rencontres que nous pouvons faire. Enivré et ravi des rencontres de la journée, je monte le son de notre bateau au grand dam de nos « voisins » et invite mes amis à danser. Je jette un coup d'oeil à ma montre, elle risque de faire un tour complet de cadran avec que je me réveille.
Jour 115, le réveil sonne, il est 6 heures. Nous sommes dans le nord du Laos. Je suis fatigué après une nuit difficile sur un demi-matelas, négocié pourtant avec acharnement avec le gérant d'un hôtel. Il n'y a pas de petites économies. Aujourd'hui nous partons faire un trekking de deux jours dans les environs de Phôngsali. Nous n'avons pas pu prendre de douche hier, sortons de 48 heures de transport et la chaleur déjà pesante du matin m'amène à me demander pourquoi nous avons bêtement décidé de laisser pousser cheveux et barbes. Et ce ne sont pas les blagues incessantes sur ma barbe de motard et mes cheveux qui tombent dans les yeux qui m'incitent à les garder. Nous avons rendez-vous avec un français, deux hollandais et notre guide à 7 heures. Des laotiens m'interpellent dans la rue pour me vendre des produits en tous genres, je les envoie promener poliment. Le jour est à peine levé que l'assaut répété des vendeurs locaux nous fatigue déjà. Nous attaquons le trekking, je ferme la marche avec l'un des hollandais tandis que mes compères sympathisent avec les autres. Nous traversons la jungle, la chaleur et la brume rajoutent à l'atmosphère « film d'aventure ». Nous grimpons une bonne heure et le panorama qui s'offre à nous tout en haut est incroyable : montagnes à perte de vue, vierges de toute activité humaine. C'est l'heure de la pause déjeuner. Au menu, un énième riz collant, un poisson douteux et des épices, trop d'épices : saturation des plats locaux, je rêve d'un bon Big Mac. Nous constatons qu'ils n'y a pas beaucoup d'atomes crochus entre nous et les trois autres voyageurs. Il faut dire que nous n'avons pas le coeur à raconter pour la millième fois d'où nous venons, ce que nous faisons et où nous allons. Plutôt que de se forcer à sympathiser, nous nous isolons un peu et profitons tous les quatre de cette pause méritée. Nous arrivons en fin d'après-midi, fatigués, dans un village Hakka perdu dans les montagnes. C'est ici que nous dormirons ce soir, dans une petite cabane. Les touristes se faisant rares, le lieu est très authentique. Je me promène, prends des photos, le village est paisible et assez charmant malgré les ordures qui jonchent le sol. Nous choisissons le canard que nous mangerons ce soir. J'ai mal au ventre, n'ai aucun appétit mais la table que nos hôtes ont dressée est copieuse. Je m'efforce de manger quelques bouchées riz pour faire bonne impression mais rien à faire. Il nous reste prés d'un mois à manger les mêmes soupes de nouilles et riz au poulet. Je ne sais pas comment je vais tenir. Je jette un coup d'oeil à ma montre, elle est arrêtée. Je savais que je n'aurais pas dû acheter la pile sur un marché.
Jour 141 , le réveil sonne, il est 8 heures. Nous sommes à Uluwatu, Bali. Je suis en pleine forme, il fait beau et chaud : réveil matinal pour aller jouer avec les vagues. Je sors mon maillot de bain de mon sac compartimenté, où plus aucune affaire ne traîne au hasard. Nous n'avions prévu de rester ici qu'une journée mais nous attaquons notre troisième jour, charmés par l'endroit. Après des mois d'itinérance, à passer d'un endroit à l'autre, nous constatons que nous avons rarement pris le temps de poser nos sacs pour plusieurs jours et de profiter pleinement d'un lieu. La matinée ne fait que commencer et nous sommes d'humeur sportive. Nous rejoignons l'océan en passant entre les falaises, les vagues viennent se fracasser à notre gauche et à notre droite, c'est assez effrayant. L'eau est à 29°C, transparente, les vagues sont belles et puissantes, je me régale. Ma barbe et mes cheveux font partie du paysage, ils ne me gênent plus même s'ils continuent d'effrayer certains enfants. Il est 13 heures et après une très bonne matinée, nous partons déjeuner. Au menu, nouilles chinoises au bord de la piscine de notre Guest House : l'important est de respecter notre budget serré. Sieste puis de nouveau prêts à affronter les vagues. Le coucher de soleil est particulièrement appréciable. Nous discutons avec quelques balinais qui nous donnent des conseils pour la suite de notre séjour sur l'île. Nous avons désormais perdu la naïveté du touriste et sélectionnons très consciencieusement les informations qui nous sont données. L'important est de pouvoir filtrer l'arnaque commerçante du bon tuyau. Nous rentrons doucement à la maison, dinons puis regardons le premier épisode du Seigneur des Anneaux avant d'aller nous coucher. Je jette un coup d'oeil à ma montre mais l'heure du réveil n'a pas vraiment d'importance, la journée commencera sûrement avec le soleil.
Jour 150, la nuit vient de tomber, les sacs sont prêts ainsi que l'incroyable van que nous avons acquis hier. Demain matin, nous prenons la route pour deux mois d'aventure sur les terres australiennes et de nombreux nouveaux souvenirs...