Dans le cadre de notre rencontre avec la jeune Boumni, opérée par Mécénat Chirurgie Cardiaque il y a quelques années, nous avons eu l'occasion de passer l'après-midi avec Valérie Caralp, responsable des parrainages au Laos pour Mécénat. Valérie vit depuis 6 ans au Laos où elle exerce le métier de professeur de français et travaille bénévolement pour Mécénat depuis maintenant un peu plus d'un an. La question des parrainages est assez complexe puisqu'elle implique de s'assurer que tous les enfants opérés par Mécénat puissent bénéficier d'une aide financière tout au long de leur scolarité mais aussi que les familles fassent bon usage de cette aide. Une aide que Valérie souhaiterait aujourd'hui étendre aux autres frères et soeurs de la famille et à d'autres situations spécifiques liées au bon déroulement de la scolarité des enfants.
Quand et comment a commencé votre collaboration avec Mécénat ?
J'habite dans le quartier de Boumni, je suis sa voisine et dans ce même quartier, il y a l'hébergement de l'association du docteur Pluquailec : Santé France Laos. Nous sommes en réalité tous voisins. L'année dernière, J'ai accompagné amicalement Boumni au centre de Santé France Laos pour sa visite médicale annuelle et j'ai rencontré Daniel et Martine Blanloeil. Voyant que je parlais très bien français et un peu lao, Martine m'a demandé si je pouvais m'occuper de toute la partie traduction et relation famille pour Mécénat. J'ai accepté avec plaisir.
Vous êtes trois à vous occuper des parrainages au Laos, quelle est la mission de vos deux collaboratrices ?
Nous sommes toutes les trois bénévoles. Guilaine travaille plus sur le versant administratif et financier car elle parle moins la langue. Pour ma part je m'occupe de la relation famille et c'est dans cette tâche que Kham (Ndlr : la mère de Boumni) m'aide énormément. Ayant une fille qui a été opérée par Mécénat, elle connait exactement les procédures à suivre et, plus important encore, elle sait ce que l'on peut ressentir en tant que maman. Son expérience passée et ses origines Laos rendent les choses plus faciles. Elle sait rassurer et son métier (elle tient un petit pressing) lui offre plus de souplesse que Guilaine et moi. Elle peut ainsi répondre aux demandes des familles au téléphone tout au long de la journée. Voici comment nous nous partageons le travail.
En quoi consiste cette mission de parrainage ?
Mon travail consiste à suivre les dossiers des différents enfants parrainés (Ndlr : un enfant parrainé reçoit une somme à l'année donnée par une famille française, permettant à l'enfant de suivre un cursus scolaire dans son pays), à m'assurer de la bonne répartition des sommes et de ce à quoi elles sont allouées. Avec Martine et Daniel, nous avons effectué une tournée du Laos à la rencontre de ces familles et cela nous a permis de faire un état des lieux de la situation pour réévaluer le budget et sa répartition pour l'année suivante. Actuellement, la vingtaine de dossiers que nous avons récupérés a été traitée et l'ensemble des enfants concernés bénéficient du parrainage dont ils ont besoin. Nous savons exactement quels sont leurs besoins financiers et nous utilisons désormais un système forfaitaire pour y répondre.
Les familles ayant un niveau de vie moyen par exemple vont bénéficier de 100 euros pour la scolarité de leur enfant. Quant aux enfants dont les parents ont moins d'argent et dans les cas où ceux-ci sont méritants, nous essayons de leur donner plus. La famille de Boumni est une des familles les plus pauvres que nous ayons eu à parrainer et nous leur donnons 400 euros par an : 200€ pour l'école et 200€ pour le centre de langues. L'ensemble est réparti en plusieurs fois sur l'année, l'école étant payée en début d'année et le centre mensuellement. En moyenne, les familles reçoivent entre 100 et 200 euros selon le niveau de classe de l'enfant et la prise ou non de cours particuliers. Le bulletin scolaire nous sert de preuve que l'enfant a bien été à l'école et que l'argent donné par les parrains à la famille a donc servi à cela. Nous n'attendons pas de résultat scolaire particulier mais nous surveillons l'assiduité.
Vous est-il arrivé de ne pas pouvoir accepter des dossiers ?
C'est arrivé l'an dernier car la famille était beaucoup plus aisée que ce que nous pensions. Lors de notre visite chez cette famille, nous avons constaté certains signes qui prouvaient que le parrainage n'était pas nécessaire et la scolarité pouvait être payée par la famille. Mais c'est toujours très délicat, d'autant plus dans ce cas là puisque leur petite fille était l'une des rares à avoir eu des complications après son opération et devra se faire opérer à nouveau dans les prochaines années. Elle est toujours malade, bleue et ne peut pas aller à l'école.
Sa famille d'accueil en France a tout de même insisté pour continuer à la parrainer, surtout pour montrer qu'elle était là pour soutenir la petite et sa famille. Ils sont venus l'an dernier au Laos, pour voir cette petite fille et ils ont constaté par eux même que la situation financière de la famille ne nécessitait effectivement pas de parrainage. Le soutien peut alors prendre d'autres formes : ils ont décidé de continuer à la soutenir en lui écrivant régulièrement et en lui envoyant des cadeaux à Noël ou son anniversaire.
Lors de vos missions au Laos, êtes-vous parfois sollicitée par des familles qui souhaiteraient vous confier leur enfant ?
Non car j'évite de dire que je travaille pour Mécénat lors de ces tournées. Je ne suis pas médecin et je ne suis pas habilitée à détecter quoi que ce soit. Je ne veux surtout pas prendre cette casquette. Cela pourrait donner de fausses joies aux familles. Mais lorsque certaines familles viennent à ma rencontre, je les réoriente vers Santé France Laos.
Le Laos fait partie des pays les plus pauvres d'Asie et cela n'est pas forcément visible de premier abord. Par quoi se traduit cette pauvreté ?
Le Laos est effectivement un des pays les plus pauvres du monde mais il vaut mieux être pauvre ici que dans beaucoup d'autres pays : on ne meurt pas de froid, on ne meurt pas de faim et la famille est au centre de la vie de chaque habitant. Ce qu'il est difficile à voir en revanche lorsque l'on voyage ici et que l'on n'habite pas le pays, c'est le manque d'infrastructures sanitaires et la faiblesse du système d'éducation. Dans les campagnes, tous les enfants ne vont pas encore à l'école.
Le montant versé par les parrains est de 23 euros par mois, est-ce suffisant ?
Cela est suffisant pour ce que nous faisons actuellement. On pourrait néanmoins imaginer que les parrains donnent 1 ou 2 euros de plus par mois pour que nous puissions avoir une caisse d'urgence : à l'heure actuelle, nous fonctionnons en flux tendu. Si par exemple un jour une famille a un besoin urgent d'acheter un vélo car l'école est loin ou difficile d'accès, nous aimerions pouvoir le lui acheter sans se soucier de l'argent. Nous devons donc réfléchir à une caisse supplémentaire, une caisse d'urgence, cela serait plus facile.
Mais cela peut aussi s'étendre à des cas particuliers : une petite fille a par exemple besoin de soins dentaires urgents mais cela coûte cher et même si cela n'a rien à voir avec sa maladie du coeur, si nous pouvions avoir un petit plus pour l'aider… Le parrainage ne doit pas se contenter d'être scolaire, c'est aussi un parrainage de vie que nous souhaitons apporter.
Existe-t-il d'autres points d'améliorations possibles du parrainage au Laos ?
Selon moi, il serait aussi utile qu'à l'avenir, l'ensemble des enfants opérés bénéficient de cours de français à leur retour d'opération. Mécénat leur a sauvé la vie, ils ont passé du temps en France et reviennent avec un petit bagage langagier, c'est réellement dommage de le perdre aussi rapidement. Ils sont en immersion totale pendant trois mois en France et apprennent très vite avec un bon accent. Dans ce pays pauvre qu'est le Laos, les enfants qui maitrisent au moins une langue étrangère ont plus de chance de s'en sortir et de trouver du travail.
Mais c'est aussi une ouverture d'esprit, pouvoir regarder des programmes télévisés en langue étrangère, lire des livres et se faire comprendre. Cela leur permet également de rester en contact avec leur famille d'accueil et leurs parrains. Je pense que c'est essentiel.
Le dernier point que nous discutons avec Mécénat concerne les fratries. Nous aidons les enfants opérés par Mécénat mais leurs frères et soeurs restent sur la touche. Dans le cas de Boumni par exemple, elle a une réelle chance car elle va dans une école bilingue, suit des cours en français. Ses deux grandes soeurs sont moins bien loties et doivent se contenter du système public. Si dans le futur nous pouvions avoir un peu d'argent pour donner un coup de pouce au reste de la famille tout en restant sur une aide à la scolarité, cela permettrait d'éviter une trop grande disparité au sein d'une même fratrie.