A 10 jours de notre retour en France, nous souhaitons mettre à l'honneur le professeur Kalangos, chef du département de chirurgie cardiovasculaire des Hôpitaux Universitaires de Genève pour notre série de trois questions. Il y a un an presque jour pour jour nous le rencontrions à Genève et il nous faisait part de la nécessité d'inscrire chaque implication humanitaire dans une démarche de développement durable. Cette rencontre aura été la première de notre long voyage. Elle aura incontestablement su nous motiver et contribuer à notre volonté d'approfondir les réflexions au sujet de la chirurgie cardiaque infantile dans le monde.
Nous vous avons rencontré il y a presque un an, au début de notre aventure. Qu'est ce qui a changé, cette année dans le domaine de la médecine cardiaque humanitaire?
Vous savez, sur le plan des actions, il n'y a pas eu beaucoup de changements. Mais au mois de juin, le 8ème global forum de la médecine cardiaque humanitaire a eu lieu à Genève. A cette occasion, nous avons présenté le projet Global Heart Network avec Annabelle Lavielle. Nous avons eu des retours très positifs et nous sommes en train d'effectuer une collaboration avec différentes ONG. Nous allons essayer de rendre cette plateforme de plus en plus fonctionnelle, son lancement représente la bonne nouvelle de l'année. Il y a également eu le lancement d'un projet en Birmanie pour venir en aide à la population. Nous avons pu observer qu'il y a eu énormément d'échanges entre les différentes associations humanitaires, cela démontre bien l'intérêt du projet sur le plan international et l'utilité de notre plateforme pour aider les intervenants à communiquer.
Pouvez-vous partager avec nous une expérience, une rencontre qui vous a particulièrement marquée lors de vos missions humanitaires ?
J'ai récemment commencé des missions humanitaires en Grèce où la situation économique actuelle complexifie certaines interventions médicales. C'est un pays que l'on peut aujourd'hui considérer comme étant en voie de développement contrairement à ce que veulent laisser croire les autorités sanitaires. En tant que Grec, je suis très touché par les problèmes que connait mon pays et suite à des discussions avec des familles d'enfants souffrant de malformations cardiaques congénitales, j'ai pris conscience qu'il y avait énormément de choses à faire même au sein d'un pays de l'Union Européenne. Hier j'y ai terminé une mission et avant de partir à Bakou, Azerbaïdjan, j'ai eu la grande joie d'apprendre que les dix enfants que j'ai opérés étaient en bonne santé. C'est une fierté pour moi, de pouvoir aider là où le pays est en difficulté notamment dans le secteur de la chirurgie cardiaque pédiatrique. En Europe, nous sommes tous vulnérables, les pays membres de la Communauté Européenne se considèrent comme faisant partie des pays développés mais vous voyez bien qu'avec la crise économique, personne n'est à l'abri et d'autres pourront être touchés de la même façon.
Les défis à venir de la médecine humanitaire passent-ils nécessairement par l'effort collectif et le réseau, comme semble le développer Global Heart Network ? Pourquoi ?
C'est selon moi incontournable. Nous avons des ressources économiques et humaines limitées, il faut que l'on puisse optimiser leur utilisation, nous devons pouvoir coordonner nos efforts. Quand je vois les échanges de courriers entre les différentes associations qui aident au projet en Birmanie, je me dis qu'il y a un problème. Elles sont au moins une dizaine impliquées mais il n'y a malheureusement aucune coordination et les communications et les échanges ne sont pas optimisés. Si les différentes ONG pouvaient marcher main dans la main, nous économiserions beaucoup de temps et d'argent. Il y a des gens qui envoient de l'équipement sur place, je pense que toutes les ONG pourraient utiliser cet équipement et mettre à disposition leurs ressources humaines qualifiées pour permettre une meilleure optimisation du nombre d'enfants traités. Le secteur de l'humanitaire a besoin de plateformes comme la notre pour pouvoir aider les gens à oeuvrer ensemble et mieux communiquer entre eux. Aujourd'hui, il est difficile de savoir qui fait quoi, quelle est l'envergure de chaque projet. Cela doit se faire en collaboration et avec le soutien des gouvernements, c'est la condition sine qua non. Sans cela, nous ne pouvons pas avancer sur le plan humanitaire et la bataille est perdue d'avance.